Mais que reste-t-il finalement de la loi Travail ?

Publié le 12 Septembre 2016

Mais que reste-t-il finalement de la loi Travail ?

Article publié le 29/08/2016

Définitivement adoptée par le Parlement le 21 juillet dernier et passée sous les fourches caudines du Conseil constitutionnel quelques jours plus tard, la loi travail a été publiée au Journal Officiel le mardi 9 août. Mais que reste-t-il concrètement de ce texte malmené par les députés et la rue pendant de longues semaines ? Revue de détails.

Accords d’entreprise sur le temps de travail : supérieur

Les 35 heures restent la référence en matière de temps de travail mais le taux horaire des heures supplémentaires est désormais entre les mains des entreprises. Officiellement la majoration demeure à 25% pour les huit premières heures et de 50% pour les suivantes, mais une entreprise peut désormais négocier un accord interne pour limiter ce taux à 10%. L’accord d’entreprise prévaut désormais sur l’accord de branche, en général plus favorable. Attention, en matière égalité professionnelle entre femmes et hommes ainsi que sur la pénibilité, l’entreprise ne pourra pas faire moins bien que la branche professionnelle.

Visites à la médecine du travail : facultatives

Une fois le décret publié, normalement d’ici janvier 2017, la visite médicale d’embauche visant à apprécier l’aptitude au travail du salarié, ne sera plus systématique. Le législateur la réserve en effet aux salariés « affectés à un poste présentant des risques particuliers pour sa santé ou sa sécurité ou pour celles de ses collègues ou des tiers évoluant dans l’environnement immédiat de travail ». Les autres collaborateurs auront droit à une simple visite d’information et de prévention… après leur embauche.

De même, exit la visite obligatoire tous les deux ans. Désormais, elle dépendra entre autres, des conditions de travail, de l’état de santé et de l’âge du salarié.

Motifs de licenciement économique : assouplis

Le texte adopté prévoit que désormais (à partir du 1er décembre) la réorganisation d’une entreprise nécessaire à la sauvegarde de sa compétitivité et la cessation d’activité, sont deux motifs recevables pour plaider des licenciements économiques. Les critères de mutations technologiques et de difficultés économiques perdurent. Mais ces dernières doivent être justifiées par l’évolution significative d’au moins un indicateur économique comme le chiffre d’affaires, les commandes, les pertes d’exploitation… Ainsi, les TPE (moins de 11 salariés) peuvent y recourir si elles subissent une baisse de chiffre d’affaires pendant plus d’un trimestre (comparé à l’année précédente). Les PME de 11 à 50 salariés doivent justifier de deux trimestres consécutifs, celles de 50 à 300 personnes, de 3 trimestres et au delà de 300 salariés, de 4 trimestres consécutifs.

Droit à la déconnexion : programmé

Dès 2017, le sujet du « droit à la déconnexion » devra être abordé lors de la négociation annuelle sur la qualité de vie au travail. Il s’agira de mettre en place des dispositifs de régulation de l’utilisation des outils numériques afin d’assurer le respect des temps de repos et de congés des salariés. Concrètement, on peut imaginer des journées « zéro mail », des blocages de messagerie à partir d’une certaine heure… Une fois effectif, ce droit permettra aux salariés de couper leurs téléphones professionnels ou leurs messageries pro sans que leurs employeurs ne puissent leur reprocher. Libérés, délivrés !!

Accords dits « offensifs » : en marche

En plus de l’accord qui permet à une entreprise en difficulté conjoncturelle de négocier un accord de maintien dans l’emploi avec ses salariés (accords dits « défensifs ») prévoyant une baisse des salaires et/ou une hausse du temps de travail pendant maximum 5 ans, la loi travail autorise les entreprises à déployer des accords offensifs. Autrement dit, une autorisation pour moduler le temps de travail et la rémunération pour la « préservation ou le développement de l’emploi », par exemple si elles veulent conquérir de nouveaux marchés ou honorer une nouvelle commande. Autrement dit, travailler plus pour gagner moins, en vue de décrocher de nouveaux contrats. L’entreprise doit obtenir l’accord des syndicats mais si un salarié refuse cette modification de son contrat de travail, il sera licencié. Et là encore autre nouveauté, il ne sera pas licencié pour motif économique mais pour « motif spécifique ». Et donc dans des conditions financières moins avantageuses. A noter qu’il bénéficie d’un « parcours d’accompagnement personnalisé assuré par Pôle emploi et financé pour l’essentiel par l’Etat.

Référendum interne : voté

Aux urnes salariés ! Cette formule pour dire que, les salariés peuvent désormais être consultés par référendum d’entreprise en cas de blocage dans l’adoption d’un accord d’entreprise. Les syndicats représentant au moins 30% des suffrages exprimés en faveur des organisations syndicales représentatives peuvent en effet demander l’organisation d’un tel vote. Le choix des salariés, à la majorité des suffrages exprimés, va donc primer sur la décision des syndicats majoritaires. A noter que pour l’heure, ces référendums ne peuvent porter que sur des sujets relatifs à la durée du travail, les repos et les congés.

Barème des indemnités aux prud’hommes : indicatif

La loi instaure bel et bien un barème du montant maximal qu’un salarié peut percevoir si les prud’hommes jugent qu’il a été licencié sans justification ou en dehors des règle, mais cette « grille » est finalement là à titre indicatif. Au final, donc pas de grand changement sur le sujet.

Forfait jours : sécurisé

Contrairement à ce que était initialement prévu dans le texte, les PME ne peuvent toujours pas conclure de forfaits jours de gré à gré. Elles doivent en passer systématiquement par un accord collectif. Les modalités d’évaluation, de suivi de la charge de travail et des échanges avec le collaborateur vont en revanche être précisés.

Compte personnel d’activité : activé

Ce compte est présenté comme l’une des mesures sociales phare du quinquennat de François Hollande car il devrait faciliter la vie de ceux qui changent fréquemment de travail. Ce compte, également ouvert aux retraités, va regrouper le compte personnel formation (CPF), le compte pénibilité et le nouveau « compte d’engagement citoyen » pour les personnes menant des actions au sein d’associations, pour les maîtres d’apprentissage, etc. Les salariés sans qualification cumuleraient 48 heures de formation par an sur leur CPF contre 24 heures actuellement avec un plafond passant de 150 à 400 heures.

Congés exceptionnels : allongés

La loi travail fait passer de 2 à 5 jours le congé d’un salarié en cas de décès d’un enfant. Et de 1 à 2 jours en cas de décès d’un parent, beau parent, sœur ou frère. De plus, elle prévoit que la période d’interdiction de licenciement pour les mères rentrant de congé maternité passe de 4 à 10 semaines. Une mesure visant à lutter contre les agissements sexistes au travail.

TPE-PME : mieux accompagnées

Pour éviter (du moins limiter) que les démarches administratives et autres formalités ne virent au cauchemar pour les TPE-PME (moins de 300 salariés), la loi prévoit la création d’un « service public territorial d’accès au droit » pour les aider dans leurs démarches. Ainsi, une entreprise ayant suivi les procédures prescrites par l’administration pourra attester de sa bonne foi en cas de poursuites.

Neutralité politique et religieuse : règlementée

Avec ce nouveau texte, le règlement intérieur des entreprises peut « contenir des dispositions inscrivant le principe de neutralité et restreignant la manifestation des convictions des salariés ». A noter que ces restrictions doivent être justifiées « par l’exercice d’autres libertés et droits fondamentaux ou par la nécessité du bon fonctionnement de l’entreprise et si elles sont proportionnées au but recherché », précise le texte. Alors évidemment, il y a du plein sur la planche car le texte dresse des principes généraux. A chacun de s’interroger sur ces délicats sujets.

Travailleurs détachés : « rattachés »

Autrement dit, les sociétés qui ont recours à des travailleurs détachés engagent désormais leur responsabilité en cas d’infraction. Et ce, même si elles s’abritent derrière de nombreux sous-traitants.

Sylvie Laidet

Rédigé par UNSA CHUBB FRANCE United Technologies

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