Le réseau UNSAVOCATS : militer pour un droit du travail
Publié le 18 Novembre 2011
Accompagner l’implantation et le développement de l’UNSA :
connaître et utiliser les nouvelles règles du droit syndical
Alexandre Fabre
Maître de conférences, enseignant à l’IST de Rennes a présenté la portée de la loi du 20/08/08 qui présente des opportunités à saisir mais qui comporte également des limites.
Dans le cadre du régime antérieur, la représentativité syndicale était soit présumée, soit prouvée.
Avec la loi du 20/08, deux changements s’opèrent :
• la fin de la présomption de la représentativité (acquise de droit), puisqu’il faut désormais faire la preuve de la représentativité à tous les niveaux (branche, entreprise, interprofessionnel)
• la réorganisation des critères : 3 critères sont apparus : la transparence financière, l’influence et l’audience électorale.
A propos de l’audience syndicale, on passerait d’un syndicalisme d’adhésion à un syndicalisme d’opinion. Par ailleurs, ce critère introduit une logique arithmétique : avoir obtenu 10% ou pas aux dernières élections du comité d’entreprise ou à défaut des délégués du personnel, soit le pourcentage minimum de voix.
Ce qui a pour conséquence de permettre à toutes les organisations syndicales de pouvoir présenter des candidats au 1er tour des élections et cela « rebat les cartes » de la représentation dans les entreprises.
Les prérogatives communes sont celles de la création de sections syndicales et de la désignation d’un représentant de section syndicale (RSS).
Sur la question du périmètre de désignation du délégué syndical, il faut se référer à la définition de l’établissement et aujourd’hui on constate un alignement sur la jurisprudence de la chambre sociale de la Cour de cassation du 18/05/11 qui indique que la délimitation du périmètre du comité d’établissement vaut pour la désignation du délégué syndical.
Concernant les limites de la loi du 20/08/08 qui sont autant de freins à l’implantation, il faut se référer à la jurisprudence sur la désaffiliation et au droit transitoire (relatif à la période transitoire) qui permet aux organisations syndicales représentatives de conserver leur avantage de représentativité (conservation de la représentativité présumée).
Ne pas présenter de candidats permet d’obtenir un PV de carence mais la limite ultime de la période transitoire sera le 22/08/12.
Emmanuel Mauger
avocat spécialisé en droit social et membre du réseau UNSAVOCATS a commenté la jurisprudence récente de la Cour de cassation en matière de représentativité.
D’importantes décisions relatives à l’application de la loi du 20 août 2008 paraissent devoir retenir particulièrement l’attention de l’UNSA.
1) Un syndicat peut être reconnu représentatif -au niveau de l’entreprise comme de la branche- pendant la période transitoire de la loi du 20 août 2008, sans avoir à justifier l’obtention d’un score électoral de 10% (au niveau de l’entreprise : Cass. soc. 10 mars 2010, n°463 et 464 FS-P+B+R+I ; au niveau de la branche : TA Paris 9 mars 2011).
2) Un simple changement d’affiliation n’emporte pas la perte de la personnalité juridique du Syndicat ni son ancienneté qui doit être calculée depuis le dépôt initial des statuts (Cass. soc. 3 mars 2010, n°435 FS-P+B+R, STAAAP UNSA c/ CFDT et Société CBS)…
… mais empêche, en cas de désaffiliation postérieurement aux élections, le syndicat de se prévaloir de l’audience électorale obtenue sous la précédence « étiquette ».
Ainsi, en l’absence de nouvelle affiliation à une confédération représentative au plan national et en l’absence de preuve de sa représentativité au plan local, le syndicat ne peut donc plus se prétendre représentatif et désigner un délégué syndical (Cass. soc. 18 mai 2011, n°10-60.069, 10-60.300, 10-21.705, 10-60.264).
Conséquences pratiques : il ne faut pas conseiller aux syndicats de concourir aux élections puis de se désaffilier ; s’ils ont ce souhait, il leur est conseillé de le faire juste avant les élections pour que ces nouveaux suffrages soient acquis à l’UNSA.
Gilles Desseigne
Secrétaire général adjoint de la fédération Banques -Assurances de l’UNSA a dressé l’historique de l’affiliation à l’UNSA du syndicat Banques Populaires et de l’obtention de sa représentativité.
Un des effets positifs de la loi du 20/08/08 est de rappeler le principe de la démocratie sociale (par les suffrages) et cela participe au renouveau du syndicalisme.
Il faut noter que la circulaire de novembre 2008 d’application de la loi du 20/08/08 a précisé que, dans le cadre de la période transitoire, l’obtention de la représentativité de branche pouvait se faire sur demande d’enquête auprès de la DGT (Direction générale du travail) et que, cependant, la fédération UNSA Banques Assurances avait réalisé un score de 8.5% (par rapport au seuil de 8% dans la branche), ce qui montre l’existence d’une activité syndicale effective au niveau de la branche.
Table ronde n°2
Faire respecter les droits fondamentaux du salarié :
travailler mieux pour vivre mieux
Claude Katz
avocat en droit social spécialisé dans la défense des salariés en matière de risques psycho-sociaux et membre du réseau UNSAVOCATS
et
Jean Pierre Yonnet
président de l’ORSEU sont intervenus pour rappeler aux participants l’objectif pour l’UNSA de défendre les conditions de travail et d’apporter une réponse syndicale à la souffrance au travail, en évitant d’opposer bien-être et performance et en utilisant les moyens disponibles syndicalement pour faire respecter la loi et le droit du travail. Ce qui constitue un véritable enjeu pour les instances représentatives du personnel.
Selon les deux experts, il n’est plus question de contourner les risques psychosociaux et il faut espérer un progrès législatif et jurisprudentiel tout en apportant des outils aux militants syndicaux.
Les employeurs ne peuvent plus contourner le thème de la santé au travail et l’UNSA est déterminée à oeuvrer pour le bien-être au travail dans l’entreprise.
L’intérêt de l’UNSA pour la santé au travail n’est pas nouveau et une commission chargée de réfléchir à cette problématique a été mise en place. Selon la résolution votée lors du Congrès de Pau, cette commission a pour objet de fournir des outils d’analyse pour participer au développement de l’UNSA et aider les militants dans leur action.
Frédérique Paquier
animatrice de la commission santé au travail de l’UNSA, en a présenté les différentes actions : la principale mission étant d’élaborer des propositions, produire des documents d’aide au développement de notre organisation syndicale (notamment pour les équipes locales) sur l’ensemble des sujets d’actualité de la santé au travail ; l’an passé, il a été question du plan santé au travail, de la réforme des services de santé au travail et plus récemment, de la compensation de la pénibilité.
Par le biais du bulletin Santé au travail et des brochures qu’elle publie, la commission vise à attirer l’attention de tous sur la nécessité d’une prévention primaire dans les entreprises et incite les CHSCT à l’action.
Le rôle du médecin du travail dans l’entreprise et la proposition de loi « relative à l’organisation de la médecine du travail » ont également été abordés, en rappelant certaines des attentes formulées par l’UNSA :
• Intégrer cette réforme des services de santé au travail dans une politique de santé publique.
• Fonder l’action des services de santé au travail sur le principe de la pluridisciplinarité et de l’efficacité de la prévention primaire en milieu de travail.
• Lutter contre la pénurie de médecins et participer à une formation des professionnels de santé adaptée à leurs missions, notamment en matière de lutte contre la désinsertion professionnelle.
• Proposer une rénovation de la gouvernance des services de santé au travail qui favorise une couverture géographique uniforme en favorisant les structures d’aide au maintien dans l’emploi.
L’UNSA considère comme indispensable de garantir l’indépendance du médecin du travail, déjà placé sous un lien de subordination à l’employeur dans le cadre de son contrat de travail et l’organisation syndicale revendique une gouvernance fondée sur le paritarisme et le respect de l’alternance dans la présidence des Services de Santé au Travail.
Lors du débat avec l’auditoire, il a été rappelé que, dans le cadre de l’obligation de consulter le comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail sur le document unique d’évaluation des risques, les militants et les délégués du personnel doivent faire remonter des alertes notamment sur les risques psychosociaux en utilisant leurs heures de délégation.
Table ronde n°3
Réfléchir à l’effectivité du droit du travail :
questionner le fonctionnement de la justice prud’homale
Cette table ronde animée par Simon Lequeux, responsable du secteur juridique de l’UD UNSA de Paris, a souligné le fait que les praticiens du droit du travail considèrent les conseils de prud’hommes comme un bon outil trop souvent mal utilisé.
Pour Alain Marandat
greffier à la Cour d’appel de Paris après avoir été greffier d’un conseil de prud’hommes, les conseillers ne maîtrisent pas suffisamment les règles de procédure et oublient que le greffier peut être un collaborateur précieux pour aider au bon déroulement de l’instance, sans pour autant devoir intervenir dans les problèmes entre magistrats.
Jean-François Zedda
Juge départiteur à Saint-Nazaire, insiste sur la mise en état. Pour lui aussi, l’utilisation judicieuse des ressources du Code de procédure civile et du Code du travail permet de rendre une bonne justice dans des délais raisonnables. Et il ne supporte pas d’hériter d’une affaire parce que ni le bureau de conciliation ni le bureau de jugement n’ont su ou voulu prendre la ou les mesures d’instruction sans lesquelles le juge était dans l’impossibilité de trancher le litige !
Il souligne enfin l’importance de l’oralité des débats ; bien souvent, une question pertinente posée au bon moment facilite et raccourcit notablement le délibéré.
Christelle Magot
chargée d’enseignement à l’Institut Supérieur du Travail de Bordeaux, met l’accent sur les pouvoirs du bureau de conciliation. Ces pouvoirs sont réels et pourtant les mesures d’instruction sont rares, les ordonnances exceptionnelles. Il y a des BC (bureau de conciliation) devant lesquels même l’obtention d’une attestation pour Pôle Emploi relève de l’exploit ! Quant à la nomination d’un conseiller rapporteur, elle fait figure d’évènement ! Si, à ces carences et à ces frilosités, on ajoute un regrettable déficit de pédagogie en direction des parties quant à leurs obligations réciproques, on ne peut que déplorer que le BC soit loin de jouer le rôle essentiel que lui a conféré le législateur.
Et tous, greffier, départiteur et enseignant se rejoignent pour affirmer l’importance de la formation des conseillers.
Certes, elle ne suffit pas à résoudre l’ensemble des difficultés. Il y aura toujours des renvois accordés trop facilement mais, en la matière, comme le relève J.F. Zedda, c’est le collège employeur qui a le pouvoir… Il y aura toujours ces départages d’humeur qui, pour A. Marandat, sont une honte pour la justice… Ou des conseillers employeurs opposés par principe à la réintégration des salariés protégés, ce qui, aux yeux du départiteur, constitue un véritable déni de justice. Et il y aura toujours des justiciables et leurs conseils pour considérer le BC comme une formalité superflue et des responsables du MEDEF pour le cantonner à une vague tentative de médiation.
Mais ces aléas sont pour la plupart la rançon du caractère collégial et paritaire des conseils de prud’hommes. Car, au-delà des indéniables difficultés imputables à la réduction des moyens du service public de la justice, ce qui est en cause pour donner toute son effectivité au droit du travail, c’est moins la nature de l’institution prudhomale que la compétitivité et la détermination des femmes et des hommes qui la composent.