Cinq ans après Lehman Brothers, la culture financière n’a pas changé.

Publié le 16 Septembre 2013

Cinq ans après Lehman Brothers, la culture financière n’a pas changé.

Le gouvernement américain a eu raison de lâcher Lehman Brothers

Les circonstances qui ont provoqué le 15 septembre 2008, la chute de Lehman Brothers sont nombreuses, mais jamais Richard Fuld, son CEO, n’a cru que le Trésor américain, à la tête duquel se trouvait l'ancien patron de Goldman Sachs et un des "parrains" de Wall Street, le lâcherait. Contrairement à une perception erronée, ce sont les Républicains qui étaient au pouvoir et ne voulaient plus d'un sauvetage des banques. Comme cette crise avait été provoquée par la mauvaise gestion des banques et non par des facteurs extérieurs, il faillait envoyer un message clair: l'argent des contribuables n’est pas au services des institutions financières. Il fallait une leçon grandeur nature pour comprendre ce qu'une telle faillite signifie au niveau mondial et mettre une limite au chantage des banquiers.
La règlementation peut-elle devenir un risque systémique ?
Suite à ce qui a été un traumatisme -mais n'a pas affecté les investisseurs particuliers aux Etats-Unis- la machine règlementaire s'est mise en route. Des deux cotés de l'Atlantique, les Gouvernements ont renfloué les banques. Les dirigeants politiques ont remis en route la machine à réguler pour que, plus jamais, les contribuables n’aient à sauver les banques. L'Asie n'ayant pas été affectée par cette crise, elle reste (provisoirement) hors du jeu.
Malheureusement, au lieu de restructurer la règlementation, on en a ajouté une couche. La nouvelle règlementation est à la fois plus complexe, moins efficace et encore moins adaptée aux marchés mondiaux.
On s'est intéressé au risque systémique, mais en se contentant de mettre autour de la table les mêmes acteurs. Nous aurons droit à des réunions interminables de régulateurs de tous poils. Aux États-Unis, ce seront des régulateurs spécialisés sous la houlette du Trésor. En Europe ce seront les 28 régulateurs sous la houlette de la Commission et de la Banque Centrale Européenne.
La complexité institutionnelle et les détails absurdes dans lesquels les auteurs se sont perdus, produiront deux faiblesses inévitables: un processus de décision encore plus complexe en cas de crise et une propension des financiers de contourner la jungle des règlementations.
Les mentalités n'ont pas changé.
Que ce soit la baleine de Londres chez JP Morgan, la chute de MF Global et surtout la manipulation du taux du LIBOR ou les délit d'initiés, nous avons continué à assister à un ensemble d'infractions que les régulateurs n’ont pu prévenir.
Le bilan des grandes banques mondiales continue à contenir deux fois plus d'actifs financiers que de prêts à l'économie.
Apres une première vague de "démissions" à la tète de plusieurs banques et institutions financières, tout est rentré dans l'ordre. Les Présidents et leurs conseils d'administration sont aussi peu efficaces et compétents qu'avant. Personne n'a été remercié. Les activités de marché ont continué de plus belle, les hedge funds sont en croissance, les "acteurs financiers" sont repartis à l'assaut d'acquisitions, bref, le modèle financier n'a changé que marginalement, et les banques européennes ne se sont pas vu interdire de spéculer avec leurs fonds propres. Qui plus est, certaines d'entre elles ont connu une érosion de leurs fonds propres. La diminution des bilans n'a pas eu lieu. Apres un ralentissement de trois ans qui a accéléré la récession, les marchés sont repartis de plus belle grâce a la subsidiation des banques par les Banques Centrales.
Le légalisme paralyse le crédit.
La réponse donnée aux préoccupations politiques a fait les beaux jours des juristes et des départements administratifs. Aux États-Unis, un dossier pour l'obtention d'un crédit hypothécaire dure des mois à se constituer. Tout se passe comme si l'assaut de règlementations et de procès avait paralysé la fonction de préteur, élément essentiel du rôle des banques.
Les départements de "compliance" qui assurent que toutes les règles nouvelles ont été appliquées jusque dans le moindre détail, sont devenus plus importants que les départements de crédit qui décident ou non d'octroyer le crédit. Les grands gagnants des crises financières sont les avocats, les consultants et les comptables. 3 milliards de dollars ont été dépensées pour la liquidation de Lehman Brothers qui se termine après 5 ans. Le total des frais d'avocats des grandes banques américaines pour cette crise financière est également de 3 milliards de dollars.
C'est le changement le plus marqué de l'évolution règlementaire qui a suivi la crise de Lehman. Derrière cette soumission se cache une frilosité face aux risques. La règlementation devient lentement mais surement un créateur de risque en elle-même. Si la finance ne joue plus son rôle de bailleur de fonds, c'est l'économie en elle-même qui en sera affectée.
Il n’y a pas de corrélation entre règlementation et éthique.
Le rôle de la règlementation est de fixer le cadre institutionnel, les règles du jeu et la manière dont les sanctions sont prises. Il serait cependant illusoire de croire qu'elle est en mesure de moraliser la sphère financière.
Il faudra que les individus qui commettent certaines de ces infractions soient appelés à la barre et aient à rendre compte de leurs actes. L'arme de la prison s'impose dans les cas extrêmes. L'interdiction de pratiquer la profession me parait infiniment plus efficace. Le droit et l'éthique opèrent dans des sphères différentes.
Ils se rencontrent sans pour autant se chevaucher.
C'est la culture de la finance qui doit changer.
C'est de la direction des institutions financières que doit venir l'initiative. On ne voit pas beaucoup de changement. Les hommes et les femmes au sommet proviennent de cette même culture et la plupart d’entre eux n'ont pas changé. Ce sont les mêmes dirigeants et les mêmes administrateurs au moins pour les trois quarts.
Ce changement est-il impossible? Certainement pas. C'est en privilégiant la gestion des risques par rapport aux bénéfices que l'on arrivera à une vraie transformation de la dynamique qui amène la finance à se multiplier. C'est indispensable, mais demande du temps et il semble qu’il faudra quelques belles déconfitures financières. Augmenter les pare-feu ne change pas les mentalités. Il est important d'être réalistes. Le rôle des régulateurs reste limité. L’intégrité personnelle et collective reste la clé de voute.

Y a-t-il place pour des dirigeants et administrateurs qui tiennent compte du rôle social et humain de leurs institutions? Sans aucun doute. C'est une question de volonté. Cela demande du courage: on ne réforme pas les mentalités sans affronter de farouches résistances. C'est aussi une question d’intégrité et l’intégrité n'a pas besoin de règles. (Albert Camus).

lien : http://finance.blog.lemonde.fr/2013/09/14/cinq-ans-lehman-brothers-la-culture-financiere-na-pas-change/

Cinq ans après Lehman Brothers, la culture financière n’a pas changé.

Rédigé par UNSA UTC FS services FRANCE

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